PROJET NOMMÉ POUR LE PRIX ÉTUDIANT COAL – CULTURE & DIVERSITÉ 2020

École nationale supérieure d’art et de design de Nancy

Diplômée du DNSEP Design objet de l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy et du master Design et Matériaux de l’École des mines de Nancy en 2019, Maude Bayle place l’éco-conception au cœur de son cursus et de ses projets.

Les objets qu’elle imagine racontent chacun une spéculation sur le matériau végétal : des objets à valeur culturelle et symbolique illustrant une réflexion environnementale.

Actuellement en stage dans une entreprise de confection de vêtements dans les Vosges, elle acquiert des connaissances techniques dans le but d’introduire des matières souples à base de plantes invasives locales dans le domaine textile.

La matière végétale est devenue la meilleure alternative matérielle pour inscrire le design dans une démarche efficace de développement durable. Maude Bayle choisit de travailler sur les plantes invasives, plantes exotiques introduites par l’Homme, capables de survivre et de se reproduire dans un nouvel environnement au détriment des espèces locales. Une biomasse conséquente qu’elle décide de valoriser dans un territoire défini en créant un objet utile à la restauration du site dont elle est immédiatement issue.

Maude Bayle s’intéresse à la renouée du Japon, plante mellifère (possédant les propriétés adéquates pour accueillir les abeilles produisant le miel), importée en Europe au XIXe siècle et aujourd’hui première plante invasive présente dans le Grand-Est. En collaboration avec des apiculteurs locaux et le Comité de développement et de promotion de la vannerie de Fayl-Billot, Maude Bayle repense la ruche contemporaine en mettant en place un protocole de transformation de la plante lui permettant de dessiner la ruche nouée. S’inspirant d’anciennes ruches de paille, la ruche nouée, fabriquée en tressage et en point enroulé de renouée, se compose de parties en vannerie démontables de sa base de bois.

Maude Bayle tente d’inscrire sa création dans un cycle cohérent : celui de la temporalité annuelle de l’objet et de son utilisation. Ces temporalités correspondent à celle de la plante dans la nature, récoltée au moment où elle possède le plus de qualités, et à celle des étapes nécessaires à la fabrication de la matière. Le projet sera implanté prochainement au Jardin botanique Jean-Marie Pelt de Nancy. Maude Bayle travaille également au développement d’un matériau textile à partir de la plante invasive en lien avec le Laboratoire de physique et mécanique textiles de l’Université de Haute-Alsace.

 

Quel est votre rapport, en tant qu’artiste ou à titre personnel, à l’engagement environnemental ?

En tant qu’artiste et dans le projet que je propose, mon engagement environnemental a été de tenter de créer un objet qui, dans son contexte, serait le plus optimisé possible d’un point de vue écologique. Il s’agit de fabriquer une ruche à partir d’une matière végétale nuisible à des lieux naturels définis. Cette ruche a pour fonction d’activer la restauration biologique de ces lieux et d’accompagner la croissance de plantes qui empêchent la prolifération des invasives.

A titre personnel, j’essaie de produire moi-même les éléments du quotidien, à la fois pour moi et pour les gens qui m’entourent : la nourriture, les produits d’hygiène, la confection textile vestimentaire ou de maison. Cela permet une prise de conscience immédiate des types de matériaux ou de matières que nous consommons et de leur provenance. De plus, chacun a des compétences différentes qui nous permettent de s’échanger des biens, des services et de se conseiller mutuellement. 

Comment imaginez-vous le monde qui vient ?

J’espère que nous trouverons dans le monde qui vient un meilleur équilibre entre les savoir-faire artisanaux et les technologies de pointe : que les uns aient conscience des autres pour se perfectionner tout en restant dans une démarche respectueuse de la planète. Essayer de trouver plus d’alternatives matérielles me semble aussi indispensable, en questionnant évidemment leur provenance, leur fabrication, leur durée et leur fin de vie. Enfin, je pense que les initiatives individuelles sont à multiplier et à diversifier mais qu’un changement global efficace doit évidemment venir de choix politiques audacieux.  Il reste énormément de travail pour d’une part maintenir le système économique actuel (qui plus est après la crise sanitaire que nous venons de traverser), et d’autre part essayer de le transformer profondément dans un souci écologique. C’est d’ailleurs déjà une difficulté individuelle que de réussir à développer et à réaliser des projets éthiques tout en étant capable d’en vivre pleinement.  

 

Image à la une : © Maude Bayle, Vue d’exposition des essais, 2020